Les commerçants de notre région réagissent à la volonté du ministre des finances d'imposer le paiement électronique

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Arthème Agenda - 27/09/2023

Le ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) voudrait obliger tous les commerçants à proposer au minimum un moyen de paiement électronique dans leur boutique. Un moyen de lutter contre la fraude fiscale estimée à 3,6 milliards d’euros dans notre pays. Cette nouvelle ne réjouit pas forcément les commerçants de notre région. 

En 1996, c’est en intégrant le paiement Proton, un porte-monnaie électronique, à la carte de débit, que beaucoup de commerçants ont de plus en plus délaissé le cash. 

La société Bancontact Mistercash Company programmera l'arrêt de ce porte-monnaie électronique à la fin de l'année 2014 pour proposer la carte de paiement "sans contact ». Un mode de paiement pour les achats inférieurs à 25 euros au départ, à 50 euros depuis la pandémie. 

Lutter contre la fraude fiscale

A l’heure actuelle, ils sont de plus en plus rares, mais certains commerçants tels des sandwicheries, coiffeurs, bouchers, pizzéria, esthéticiennes etc… ne disposent pas de moyens de paiement électronique dans leurs magasins. Mais combien ? le ministre fédéral des finances, Vincent Van Peteghem, l’ignore. Il veut donc généraliser l'installation de ces appareils.

"Sans exclure la possibilité de payer en espèces, la proposition revient à obliger tous les acteurs économiques à proposer au moins un système de paiement électronique. Sous quelle forme ? Ce sera aux commerçants de choisir. Mais les consommateurs doivent avoir le droit de payer électroniquement s'ils ne disposent pas d'espèces". 

Derrière cette bonne intention se cache aussi la volonté du ministre de lutter contre la fraude fiscale. 

« Il va de soi que la baisse du recours au cash réduit le risque de fraude dans certains secteurs. Sur la base de données macroéconomiques, l'OCDE et la Commission européenne ont calculé que la Belgique perdait chaque année 3,6 milliards d'euros de recettes de TVA"

En mettant la pression sur les paiements en espèces, le ministre espère provoquer un effet comparable à celui de l'introduction de la caisse blanche dans le secteur de l'horeca.

Et chez nous ? 

Nous avons contacté plusieurs commerçants de la région qui ne disposent pas de terminaux électroniques chez Pizza Anna à la rue de Dampremy à Charleroi, aucun distributeur n’a jamais été installé, c'est un choix délibéré.

« Tout simplement parce que cela ne nous intéresse pas, il y a beaucoup de frais liés à l’installation et à l’utilisation d’un Bancontact.  Nous ne nous sommes jamais renseignés mais nous savons que ça coûte cher. » 

Selon ce commerçant, il ne sert à rien d'installer un paiement électronique partout.  Ce n'est pas ça qui diminuera la fraude fiscale quoi qu’il arrive. 

A Thuin, aux p’tits poilus, un centre de toilettage, la gérante n’est pas au courant de cette nouvelle décision qui pourrait être d'application. 

« Je n’en n’ai jamais installé parce que je ne veux pas payer 30 euros par mois pour le paiement électronique. En plus, lutter contre la fraude ? je n’y crois pas.  Si on me demande mon avis, je dirais que je suis contre l’obligation de mettre un dispositif de paiement électronique dans mon commerce. »

Dans une sandwicherie du centre de Charleroi qui n’a pas souhaité être citée, le gérant pense la même chose.  S’il estime que les clients ont le droit de pouvoir payer avec une carte de débit, le commerçant lui aussi doit avoir le choix d’installer ou non un mode de paiement électronique. 

« D’autant que je ne vois pas l’intérêt de demander d’installer un Bancontact, si on laisse le choix de payer en liquide ou par carte.  Et quant à ceux qui veulent frauder, ils trouveront toujours le moyen de le faire ! » 

Pour la pizzeria Anna, cette obligation rime avec discrimination

Le paiement électronique, un plus ? 

Du côté de l’UCM, l’Union des classes moyennes, la réponse n’est pas franche, mais va plutôt dans le sens de la liberté de choix. Selon son président, Frédéric Nyst, le débat est ouvert. 

Au Syndicat neutre pour indépendant, les avis sont beaucoup moins nuancés. Christophe Wambersie, Secrétaire Général Wallonie-Bruxelles considère qu’il s’agit là d’ingérence des pouvoirs publics dans une entreprise privée. 

« Sur le principe c’est une immiscion dans la liberté d’entreprendre. Il faut laisser à l’entrepreneur la liberté de développer son service et la rémunération de celui-ci comme il l’entend.  Si le paiement digital est imposé, il faut savoir que cela à un coût et le gouvernement devra y penser. Il faudra aussi que les banques trouvent le moyen de réduire leurs charges sur les indépendants. Nous ne sommes pas du tout favorables à telle mesure vous l’aurez compris ! »

Enfin, le syndicat réclame plus de transparence et un mode de comparaison clair sur les différents tarifs proposés par les sociétés qui installent et gèrent les paiements électroniques. 

La lutte contre la fraude fiscale n’est selon le secrétaire général du SNI qu’un prétexte de plus pour faire une fleur au monde bancaire qui souhaite en Belgique, plus qu’ailleurs encore, généraliser le paiement digital.

Quand le coronavirus booste les idées

La crise sanitaire a sans doute favorisé des choses positives comme l’émergence de grands mouvements de solidarité, mais elle a aussi donné des idées aux banques visiblement. 

L’utilisation des paiements sans contact s'est généralisée durant le premier confinement, les opérateurs de Mistercash Bancontact auront pris cela comme une volonté accrue de passer par le paiement électronique. 

C’est d’ailleurs le premier constat que tire un libraire de notre région qui dispose de deux terminaux.

« Outre le fait que nous avons beaucoup de demandes et que nous pouvons nous permettre d’avoir deux terminaux, la crise du Covid a accéléré le mouvement, surtout lors de la première vague et de plus en plus de gens nous paient par carte sans contact » 

Et pour les détenteurs de boitiers de paiement digital, c’est souvent la pression des clients qui a été la plus forte dès le départ

« Cela nous permet de ne pas refuser certaines ventes, nous explique l’employée d’un magasin de pralines. Cela coûte cher, mais au moins on n’est pas obligé d’envoyer le client au distributeur le plus proche, d’autant que des distributeurs, il y en a de moins en moins. »

A Gerpinnes, la gérante de la librairie Paperas a fait très tôt le choix d’installer des terminaux, car même si elle est perdante sur certains articles comme les journaux et les cigarettes, paradoxalement cela lui permet de vendre plus. 

«Nous avons installé les terminaux parce que nous avions une forte demande, mais aussi parce que notre magasin est très hétérogène.  Nous vendons des magazines et des journaux, mais aussi de la maroquinerie. Donc, les clients ont parfois suffisamment en cash pour payer les magazines et s'ils sont tentés par un autre article plus cher et bien pas de problème, le Bancontact est là.  Là où nous perdons de l'argent c'est sur un journal, il coûte 2,10 euros, l'opérateur du terminal nous prend 0,10 euro à chaque opération, il reste donc 2 euros sur lesquels nous gagnons 25 à 30%, il ne reste donc plus grand chose."

Et si avant personne n'aurait pensé à payer un journal ou son paquet de cigarettes avec sa carte bancaire, depuis le début de la pandémie et l'utilisation du sans contact c'est devenu quasi la norme. 

"L'aspect positif de ce nouveau mode de fonctionnement, c'est que lorsque quelqu'un vient acheter son paquet de cigarettes plutôt que d'en payer un seul avec sa carte, la personne en achète plusieurs." 

Si le ministre persiste et signe, cela n'empêchera pas de payer en cash et qu'en sera-t-il du paiement avec le smartphone faudra-t-il le généraliser à terme ? 

Mais là où le ministre à déjà gagner, c'est que chez certains l'idée fait son chemin. Aucun commerçant ne voudra être hors la loi, et comme nous le dit notre vendeur de sandwichs : 

« Si on doit le faire, je le ferai.  Moi j’ai des clients qui sont habitués à payer en cash, il est donc envisageable d’en avoir un et de ne pas l’utiliser plus que ça.  Je n’en n’ai jamais eu, non pas pour frauder, je n'en n'ai jamais eu besoin. S'il le faut, j’en mettrai quand même un. » 


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