Chères Élues, Chers Élus,

Depuis cinq décennies, Télésambre occupe une place privilégiée dans le paysage audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), particulièrement au sein de sa zone de couverture. Chaque semaine, nos programmes télévisés intéressent 525 000 téléspectateurs, représentant 17 % de part de marché, ce qui fait de nous le deuxième média de proximité le plus regardé en Wallonie. De plus, notre site internet attire 438 974 visiteurs mensuels, nous plaçant ainsi en tête des 12 médias de proximité. Notre présence sur les réseaux sociaux est également significative avec 74 000 followers sur Facebook1.

Ancrée au cœur de notre communauté, notre institution s'efforce de mettre en avant les réalités de notre territoire en relayant une information sourcée, de qualité, et accessible à toutes et tous. Cependant, le paysage audiovisuel est en pleine transformation et l’accélération de cette mutation nous oblige à repenser en permanence notre modèle économique et structurel.

Face à un flot incessant de communication mêlant vérité, fausseté, fake news et prises de position partisanes, le travail de nos équipes éditoriales devient de plus en plus complexe. Elles doivent redoubler de vigilance et d’acuité pour fournir un contenu de qualité, indépendant de toute idéologie.

Parallèlement à cette transformation, nous observons un recul démocratique alarmant. Cette situation entraîne une méfiance croissante envers les médias généralistes, une montée des clivages communautaristes et met en danger le débat démocratique local.

‌Missions

En tant que média de proximité, notre mission, telle que définie par la Convention signée avec la FWB, est d’accompagner et d’instruire nos publics en privilégiant un lien direct avec eux. Nous mettons en perspective les informations que nous traitons, vérifions nos sources et décryptons les tenants et aboutissants des contenus transmis aux citoyens.

Une récente étude du CRISP2 révèle que 7 Wallons sur 10 sont avant tout intéressés par l’information locale. Nous devons capitaliser sur cette donnée pour continuer à mener à bien nos missions fondamentales 3:

• Décoder et clarifier les enjeux de notre territoire : Fournir une compréhension approfondie des événements et des questions locales.

• Raccrocher et rapprocher les citoyens à leur quotidien : Renforcer le lien entre les habitants et leur environnement immédiat.

• Faire connaître et valoriser les talents locaux, les patrimoines et le savoir-faire : Promouvoir les richesses locales et les initiatives communautaires.

   

   

  1 Etude AQRate 2024 et Google Analytics Février 2024.

  2 BERNARD COOLS, Les sources d’information des Belges: usages, attitudes, questionnements, 2023. P.12 Le degré d’intérêt pour les actualités et le nombre de centres d’intérêt. CRISP.

  3 RESEAU DES MEDIAS DE PROXIMITE, Mémorandum 2024, 12 médias de référence ancrés, pertinents, efficaces et concurrentiels, 2024.

• Susciter le débat et animer la démocratie locale : Encourager la participation citoyenne et le dialogue démocratique.

• Mettre en valeur la diversité et favoriser l’inclusion locale : Représenter toutes les composantes de notre communauté.

• Promouvoir une éducation aux médias pertinente et efficace : Développer la pensée critique et la compréhension des médias.

Pour réaliser ces missions ambitieuses, 17 journalistes, cadreurs, réalisateurs et une dizaine de pigistes parcourent les communes de notre zone pour produire des journaux télévisés, des magazines, provoquer et nourrir des débats. Notre programmation se veut large, éclectique et innovante, tout en maintenant notre mission première d’actualité à travers les JT quotidiens disponibles en télévision et sur internet.

Notre magazine « Gender Baby », pionnier en FWB et repris par la majorité des médias de proximité, est un exemple phare de notre engagement pour la diversité et l’inclusion. Il vise à ouvrir les citoyens à la compréhension d’autres genres sans jugement en décryptant ces nouveaux codes.

Depuis 2023, nous proposons un JT hebdomadaire entièrement réalisé par des journalistes sourd.e.s, destiné à informer la communauté sourde et malentendante de la FWB. Ce format unique a reçu un accueil médiatique sans précédent aux niveaux local, régional, national et international.

Nos autres missions sont remplies par la production de magazines liés à l’éducation permanente (dont l’éducation aux médias), la culture, l’information au sens large (sport, débats, etc.), et la participation citoyenne à travers notre magazine C Local.

Comme tous les autres médias de proximité, nous avons une connaissance approfondie de notre territoire et des enjeux qui s’y jouent. Nous sommes un lien privilégié entre les citoyens et le législateur, un vecteur de cohésion sociale et de pédagogie, qui renforce le processus démocratique.

‌Financements et subventions

La subvention annuelle de la FWB pour les 12 médias de proximité s'élève à environ 13 millions d'euros. Cette somme est répartie selon des critères tels que la population de la zone, la masse salariale du média, la production propre et la part de productivité. En comparaison, la dotation allouée à la RTBF est 30 fois supérieure. Concrètement, un an de financement pour un média de proximité équivaut à une seule journée de dotation pour la RTBF.

Télésambre couvre quotidiennement 23 communes, y compris la première métropole de Wallonie. Nos missions sont les mêmes que celles des autres médias de proximité, mais il existe des disparités de financement considérables. Les financements complémentaires varient grandement, avec des contributions provinciales allant de zéro à plus de 200 000 € pour un seul média, et des contributions communales variant de 0,5 centime à 4,10 € par habitant.

Il devient impossible pour Télésambre de continuer à remplir ses missions avec une équipe restreinte et des moyens financiers réduits. L’origine de nos difficultés financières est multiple. En 1994, nous étions financés par une cotisation de 75 francs belges par abonné à la télédistribution via Brutélé. En 2003, cette cotisation a été supprimée. En 2011, un fonds de compensation de 1,5 million EUR a été créé pour les télévisions locales affectées par cette suppression. Ce fonds a été réduit de 10 % par an jusqu’à sa fin en 2021.

Contrairement aux autres télévisions locales qui se sont tournées vers les communes ou les intercommunales pour un soutien financier en 2003, Télésambre n’a obtenu un accord avec les communes de sa zone de couverture qu'en 2021, grâce à l'appui de Paul Furlan, alors Président de la Conférence des Bourgmestres de Charleroi Métropole. Cet accord fixe une contribution de 0,5 €/habitant/commune, mais certaines communes n'indexent pas ce montant, ce qui ne résout pas nos problèmes financiers4.

À titre d’exemple, les trois autres médias hainuyers reçoivent respectivement 1,81 € (TéléMB), 3,5 € (Antenne Centre) et 4,1 € (No Télé) par habitant et par commune.

Entre 2021 et 2023, les indexations successives ont grevé notre budget, avec une augmentation de 217 000 € des salaires rien qu’en 2022. Les coûts de l’électricité, des carburants et des autres biens et services ont également augmenté de manière substantielle, absorbant ainsi les contributions communales.

Pour rétablir nos finances, une cotisation de 1 €/habitant/commune serait nécessaire, comme

le montre le tableau ci-dessous.

4 Dans un premier temps, les instances de Télésambre avaient demandé 50 cents la première année, 75 cents la deuxième et 1 euro la troisième année. Puis une indexation annuelle de cet euro.

‌Média Sambre

En 2017, Télésambre a emménagé dans les nouveaux locaux de Média Sambre. Nous avons investi près de 800 000 € sur nos fonds propres, en complément de la subvention de 1 000 000 € octroyée par la Région Wallonne pour les investissements technologiques. Ces investissements ont engendré des amortissements lourds, ajoutant environ 230 000 € par an à notre déficit. Un média audiovisuel nécessite une technologie de pointe et des investissements récurrents, souvent avant même l’amortissement complet du matériel précédent, en raison de l'usure quotidienne et de la fragilité de certains équipements.

En plus de ces investissements, Télésambre doit assumer des coûts d’exploitation exorbitants, imposés unilatéralement par la RTBF, représentant 15% de notre subvention de fonctionnement de la FWB. Cette situation est insoutenable à moyen terme. Nous vivons au- dessus de nos moyens et n'avons aucune marge de négociation avec la RTBF.

Nous avons dû faire face à de nombreuses décisions prises sans notre consultation préalable

: gardiennage 24h/24h et 7 jours sur 7, choix unilatéraux de prestataires de services externes, et coûts faramineux de maintenance des installations techniques. Par exemple, les frais de maintenance du bâtiment pour le côté Digue, récent de 7 ans, sont plus élevés que pour le bâtiment Tirou, âgé de 50 ans.

En 2023, après de nombreuses difficultés, nous avons réussi à obtenir le détail des factures et à réduire notre facture de 6 000 € sur les 20 000 € supplémentaires que la RTBF souhaitait nous imposer. Les discussions sont toujours en cours, mais le dialogue reste difficile sans un soutien politique fort.

‌Distributeurs de services

Depuis 2005, chaque abonné aux câblo-opérateurs contribue 2 € par an aux 11 Médias de Proximité (MDP) wallons. Cette somme est indexée tous les deux ans. Cependant, les modes de consommation ont évolué et le nombre d’abonnés à la télédistribution ne cesse de diminuer. Le nouveau décret SMA de février 2021 stipule que ces 2 € doivent s’appliquer à tous les utilisateurs de ces services5, selon les définitions précises énoncées dans le décret :

« Point 61° Utilisateur : toute personne physique ou morale qui utilise ou demande, à une ou plusieurs reprises, un ou plusieurs services de médias audiovisuels d’un distributeur de services ou un ou plusieurs services de partage de vidéos, notamment en y téléchargeant des vidéos créées par elle ou une autre personne ; »

« Point 62° Utilisateur final : : toute personne physique ou morale qui n’est pas un opérateur de réseau ou un fournisseur de services de communications électroniques et qui utilise ou demande un service de communications électroniques. »

Nos contenus sont accessibles non seulement via la télédistribution linéaire, mais aussi sur tous les supports digitaux (smartphones, smart TV, tablettes et ordinateurs). Il est donc légitime que ces 2 € soient appliqués à tous les utilisateurs pouvant accéder à nos contenus, quel que soit le support. Il est impératif que le système de contribution des distributeurs de services soit élargi pour inclure une contribution des fournisseurs d’accès à internet6.

‌Auvio

Depuis septembre 2023, Télésambre et les 11 autres MDP sont présents sur la plateforme Auvio. Ce processus a été long et ardu, nécessitant des concessions financières significatives. Contrairement aux autres acteurs présents sur cette plateforme, les MDP ont dû céder 10%

5 Décret relatif aux services médias audiovisuels et aux services de partage de vidéos du 4 février 2021, Chapitre II – De la contribution des distributeurs de services, art.6.1.2-1, §3. 1° (page 31).

6 Certains utilisateurs n’ont pas de téléviseur mais peuvent consulter nos contenus via internet.

de leur subside numérique pour rendre leurs contenus accessibles, la RTBF invoquant des frais de développement de 700 000 € la première année et des frais de maintenance annuels de 400 000 €.

La convention signée entre la FWB, la RTBF et les MDP prévoit une répartition des recettes publicitaires une fois les coûts de maintenance remboursés. Cependant, dans ces conditions, il est peu probable que les MDP bénéficient de ces recettes.

Il est évident que, dans le cadre d’Auvio, la RTBF agit comme un distributeur de services, similaire aux câblo-opérateurs traditionnels. Il serait donc logique qu’une partie des ressources publicitaires de la plateforme soit attribuée à l’ensemble des médias de service public. Les investissements des grands annonceurs, tant belges qu'internationaux, sur une plateforme financée par les pouvoirs publics, devraient bénéficier à la production audiovisuelle des MDP, au-delà des simples clics générés sur leurs contenus7.

‌Inscrire Télésambre dans la durée et renouer avec l’équilibre

Suite à un conclave budgétaire tenu le 6 mars 2024 par le Comité de gestion de Télésambre, visant à examiner en détail la situation financière, des pistes de solutions ont été envisagées pour augmenter les revenus, préserver l'emploi et assurer ainsi la pérennité de l'institution. Le Comité de gestion et la Direction ont déjà mis en œuvre des réductions de coûts drastiques. Aller plus loin mettrait en péril l'emploi et compromettrait notre capacité à répondre aux exigences du contrat de gestion.

Conscients de l'impossibilité de demander une contribution supplémentaire aux pouvoirs locaux sous forme d’une augmentation de la cotisation communale, nous constatons néanmoins que l’ASBL a besoin de 250 000 € additionnels par an pour revenir à l’équilibre.

Dans le Mémorandum 2024, intitulé 12 Médias de Référence : Ancrés, Pertinents, Efficaces et Concurrentiels, paru en avril 20248, nous demandons :

• Une amélioration des ressources, via notamment :

  • Au niveau régional : un accès ouvert et transparent à des ressources de financement complémentaires ou sectorielles pour des programmes spécifiques, via les Ministères et organismes d’intérêt public.

  • Au niveau fédéral : l’élargissement du champ d’application du tax-shelter à des programmes de flux, ainsi qu’à des productions commerciales et institutionnelles.

• L'indexation des subventions : Garantir l’indexation de l’ensemble des subventions afin de poursuivre nos développements et de nous adapter continuellement aux évolutions technologiques et des usages.

• Contribution des distributeurs : Étendre le système de contribution des distributeurs

  (y compris Auvio) à une contribution des fournisseurs d’accès à internet.

   

   

  7 RESEAU DES MEDIAS DE PROXIMITE, Mémorandum 2024, 12 médias de référence ancrés, pertinents, efficaces et concurrentiels, 2024.

  8 RESEAU DES MEDIAS DE PROXIMITE, Mémorandum 2024, 12 médias de référence ancrés, pertinents, efficaces et concurrentiels, 2024.

  ‌Spécifiquement pour Télésambre dans sa zone, nous souhaitons :

• Budget de communication public : Que les institutions publiques et les organismes publics consacrent 2% de leur budget de communication et d'investissements publicitaires à des campagnes d’information sur Télésambre.

• Réduction des coûts d’exploitation : Explorer avec Immodigue les possibilités de réduire les coûts d’exploitation et de revenir à des dépenses plus raisonnables et soutenables pour un média de proximité.

• Financements alternatifs : Explorer des pistes de financement alternatif avec des partenaires privés, tout en garantissant l’indépendance rédactionnelle et éditoriale de l’institution.

• Mutualisation des profils coûteux : Poursuivre la mutualisation de profils coûteux avec

  d’autres Médias de Proximité afin de réaliser des économies d’échelle.

  ‌Enfin...

  Les constats exposés dans cette note et les solutions proposées ne peuvent trouver leur pleine résonance que grâce au soutien des pouvoirs politiques. Ceux-ci peuvent agir en levier à tous les niveaux de pouvoir pour sensibiliser chacun à l'importance d'un média de proximité comme Télésambre. En étant ancré dans son territoire, Télésambre offre à nos concitoyens une information fiable et de qualité, les replaçant ainsi au cœur de la démocratie locale.

  ‌Appel à l'action

  Nous vous encourageons à :

• Actionner votre réseau : Utilisez vos contacts et votre influence pour nous aider à trouver de nouvelles sources de financement.

• Sensibiliser à la défense de Télésambre : Faites comprendre à votre entourage l’importance vitale de notre média local pour maintenir un débat public informé et équilibré.

• Utiliser votre influence pour nous soutenir dans nos négociations avec la RTBF et à sensibiliser vos collègues à l'importance cruciale de notre média local. Ensemble, nous pouvons assurer la pérennité de Télésambre et renforcer notre capacité à servir notre communauté avec des informations locales fiables et de qualité.

Votre soutien est crucial pour nous permettre de continuer à servir notre communauté et à garantir un journalisme de proximité rigoureux et impartial. Ensemble, nous pouvons renforcer notre média local et, par conséquent, la démocratie locale.