La réforme des médias de proximité s’est invitée au conseil communal de Charleroi. Proposée par le PS, la motion de soutien notamment à Télésambre a suscité le débat. Le passage de 12 à 8 médias a interpellé les élus, entraînant le report du vote.
Télésambre, c’est la voix du terrain, de nos enfants, de nos artistes, de nos commerçants… C’est un rempart face à la désinformation.
C’est par ces mots qu’Isabella Greco, cheffe de groupe PS, a introduit la motion. L’objectif : permettre au conseil communal de réaffirmer son soutien aux médias de proximité, reconnaître leur rôle indispensable dans la vitalité démocratique, défendre le pluralisme et garantir un accès à une information fiable, locale et de qualité.
Le texte comportait également un volet d’action, demandant à la Fédération Wallonie-Bruxelles de préserver et renforcer ce pluralisme. « Cette réforme, c’est une sous-représentation du Hainaut, c’est moins de journalistes sur le terrain, c’est moins de Carolos entendus », a ajouté la conseillère.
« Un soutien financier, pas l’inverse »
Françoise Daspremont, également conseillère communale PS, a travaillé quelque temps à la RTBF (RTB), et a rappelé avoir connu la création et l’évolution de Télésambre, à l’époque encore « TEAC ». Elle ne comprend pas comment le secteur en est arrivé là.
« Télésambre, c’est de l’information qualitative, de l’éducation permanente, c’est la voix des citoyens. Alors pourquoi doit-on encore rappeler son importance ? Ce qu’il faut, c’est un soutien financier, pas l’inverse. Vous savez tous que ‘rationaliser’, ça veut dire perte d’emploi. Ne soyons pas dupes. »
Elle a également posé une question récurrente durant la séance : « S’agit-il d’une réelle économie ou d’une question d’idéologie ? » Le PS a rappelé que les médias de proximité représentent à peine 0,07 % du budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Le MR-IC défend la réforme de la ministre
Pour le groupe MR-IC, le chef de groupe Jean-Noël Gillard a regretté que la motion serve, selon lui, surtout à « mettre le PS sous les projecteurs ». « Vous parlez encore d’une méchante réforme des méchants libéraux qui va anéantir Télésambre. Ce n’est pas le sens de la réforme. »
Selon lui, la réforme vise à assurer la viabilité du secteur.
« 5 médias sur 12 sont en déficit structurel. C’est un véritable challenge de réformer pour éviter des difficultés plus graves. » Il rappelle également que la réforme n’entrerait en vigueur qu’en 2031, laissant le temps aux acteurs de s’y préparer.
(Pour rappel, seuls des investissements et amortissements affectent actuellement les résultats 2024 de 2 médias sur 12.)
Pour M. Gillard, l’objectif de la réforme n’est donc pas de détruire les médias locaux, mais de leur garantir un avenir durable.
Le PTB dénonce la logique de la réforme
Du côté du PTB, Germain Mugemangango a reconnu les défis que rencontrent les médias de proximité : lutte contre les fake news, digitalisation, ressources limitées… « Justement, on aurait plutôt intérêt à les soutenir, non ? »
Le conseiller a ensuite pointé le chiffre de 8 télévisions au lieu de 12 :
« D’où vient ce chiffre ? On ne sait pas. La logique initiale, lors de la création des médias de proximité, c’était celle des bassins de vie. Et la logique de la réforme ? Celle du nombre de médias par province ? On ne sait pas non plus. » Selon lui, la réforme n’engendrera pas d’économies, mais aura un coût démocratique important.
L’abstention des Engagés
Pour Les Engagés, Clara Huwart a salué le rôle essentiel des médias de proximité. « La réforme soulève des inquiétudes concernant le pluralisme et l’indépendance éditoriale, mais elle est indispensable. C’est une porte ouverte vers une façon de travailler plus efficace, vers plus de synergies. »
Le groupe s’est donc abstenu, tout en rappelant son attachement à des rédactions locales indépendantes et à une réforme offrant des garanties claires.
Rebondissement : « Et si la motion demandait des comptes ? »
Le bourgmestre Thomas Dermine a ensuite pris la parole :
« Il y a un vrai défi sur le virage numérique, sur les collaborations avec la RTBF, sur le financement des médias… Mais les télévisions locales sont notre mémoire collective. Elles nous permettent de faire société ensemble. Et oui, ça coûte de l’argent : moins de 5 euros par Carolo et par an. »
Puis il a invité à « élever le débat » :
« Imaginez que nous acceptions l’idée de ne garder que 8 télés locales. Cela reviendrait à un média pour environ 550 000 habitants. Or, le bassin de Charleroi compte entre 600 000 et 650 000 habitants : Télésambre couvre déjà ce nombre. Que se passera-t-il si elle doit fusionner avec un autre média couvrant un autre bassin de vie ? D’autres zones, plus petites, conserveraient pourtant leur propre télévision. Où est la cohérence ? »
Le bourgmestre a proposé de reporter la motion d’un mois, pour l’adapter :
Modifions-la pour dire à la ministre que le vrai enjeu, c’est de garantir que notre bassin de vie de 600 000 habitants soit respecté.
On reporte ou pas ?
Le PS et Les Engagés ont accepté le report.
Denis Ducarme (MR-IC) s’en est agacé :
« Vos élues Greco et Daspremont tirent sur la ministre Galant, et vous arrivez ensuite pour proposer un report ? Assumez ! Je ne comprends même pas qu’on doive voter le report. »
Germain Mugemangango (PTB) a, lui, soutenu la proposition :
« Si on peut avoir une discussion constructive sur les bassins de vie, nous sommes pour. 6, 9 ou 8 médias… peu importe, mais il faut de la cohérence. »
La motion sera donc représentée lors du prochain conseil communal, le 17 novembre.
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