Zara Chiarolini, la maman de Maëlle, lance un cri d'alarme sur le désarroi des familles qui luttent contre le harcèlement de leurs enfants

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C'est un véritable cri du coeur que lance Zara Chiarolini, Vice-Présidente de l'Asbl Les Mots de Tom, et maman de Maëlle, qui s'est suicidée à 14 ans. Elle a rédigé une carte blanche pour relayer son désarroi face au manque d'écoute des familles qui luttent contre les harcèlement de leurs enfants. Elle reçoit énormément de témoignages de familles perdues, désemparées et lance un cri d'alarme. 

Toutes ces familles démunies prouvent qu'il y a un manque énorme sur le terrain, de notre société, de structures de prises en charge de ces situations pour elles. Elle pointe du doigt qu'il n'est pas normal que cette asbl qui a, au départ, pour objectif de sensibiliser aux ravages et conséquences du harcèlement entre jeunes soit devenue le réceptacle de tous ces appels à l'aide.

Nous vous proposons de découvrir sa carte blanche en intégralité:

Carte blanche : CE N’EST PAS NORMAL…

En cette fin d’année scolaire, l’heure est au bilan, aux constats… Notre asbl « Les Mots de Tom » ne compte plus les demandes d’aides qui ont afflué tout au long l’année et qui continuent d’affluer dans notre boîte mail ni les nombreux appels téléphoniques reçus. Une sœur, une maman, une grand-mère, des parents, des familles impactées par le harcèlement scolaire que subit leur enfant, leur frère, leur petite-fille,… Des appels à l’aide quasi quotidiens des quatre coins de la Fédération Wallonie Bruxelles.

CE N’EST PAS NORMAL !

Nous faisons au mieux pour conseiller ces familles, les écouter, rechercher des solutions avec elles et surtout les diriger vers ce qui « existe sur le terrain » pour les accompagner dans leurs démarches et les sortir de cette angoisse et cette impuissance face au mal-être de leur enfant.

Ces familles attendent une aide concrète, spécifique et rapide. Elles ne veulent pas être balancées de « bureau » en « bureau », de mesures en mesures, de décisions en décisions… elles souhaitent « juste » que leur enfant retrouve sereinement le chemin de l’école. On sait que les écoles soucieuses d’aider les jeunes à sortir de ces situations compliquées ne savent pas non plus tout régler et en matière de prise en charge, elles sont aussi en recherche d’accompagnements. Certaines écoles ont mis en place des actions de prévention, des dispositifs de libération de la parole et même des cellules d’écoute pour la gestion des situations de harcèlement de faible intensité. Quid des situations qui sortent de leur champ de compétences ? Quelles aides extérieures peuvent-elles contacter ? Comment gérer une situation de crise ? Comment agir au plus vite ? Comment gérer, par exemple, la circulation d’un nude, une tentative de suicide, un passage à tabac d’un élève filmé et envoyé à un grand nombre d’élèves ? Comment aider ces jeunes à revenir en classe après tout cela ?

Que répondre à ces questions posées par des parents démunis auxquelles nous sommes quotidiennement confrontés au sein de notre asbl ?

  • Comment aider mon enfant ciblé par des rumeurs au sein de son école ?
  • Mon enfant a des pensées suicidaires, je n’en dors plus, vers qui me tourner ?
  • J’ai découvert que ma fille se scarifiait, je me sens tellement coupable de n’avoir rien vu avant. Comment l’aider ? Comment faire pour qu’elle arrête de se faire du mal et surtout pour que ces agressions dont elle est la cible et à l’origine de son mal-être cessent ?
  • Mon fils ne veut plus se rendre à l’école car les auteurs de son harcèlement continuent leurs agissements malgré des sanctions prises par la direction, dois-je le forcer à aller à l’école ?
  • Je ne sais plus à qui m’adresser ; malgré trois contacts avec la direction de l’école de mon fils pour alerter sur le harcèlement quotidien qu’il subit, l’école me répond qu’elle ne sait rien faire. Rien ne change et mon fils sombre dans la dépression… Que me conseillez de faire ?
  • Auriez-vous un psychologue spécialisé aux conséquences du harcèlement pour aider mon fils qui souffre d’insomnies et qui a développé des troubles anxieux ?
  • Nous sommes à bout, rien ne change, nous nous sentons impuissants ; devons-nous faire justice nous-mêmes ?
  • Qui contacter pour dénoncer une école qui reste sourde à nos appels concernant la souffrance de notre enfant ciblé par du harcèlement, des menaces et des intimidations en tous genres ?
  • Devons-nous porter plainte à la police ?
  • Ma fille est suivie par une sophrologue, un psychologue et son médecin traitant pour gérer ses crises d’angoisse, sa phobie scolaire et ses pensées suicidaires suite au cyberharcèlement dont elle a été la cible. Elle ne se rend plus à l’école depuis 3 semaines… Nous sommes tellement en colère.
  • Un nude de ma fille a circulé dans son établissement scolaire. Ma fille a été ciblée suite à cette diffusion par du harcèlement et du cyberharcèlement. Elle ne veut plus retourner à l’école et nous dit qu’elle veut mourir… Qui pourrait nous aider ? Nous sommes tellement inquiets…
  • Mon petit-fils s’est fait tabasser par quatre autres élèves de son école… il a dix ans…

Derrière toutes ces demandes, toutes ces situations décrites, il y a des histoires, des vécus, des vies qui sont en jeu ! Derrière toutes ces demandes, il y a un appel à l’aide ! Derrière toutes ces demandes, il y a ce constat d’un cruel manque de solutions en matière de prise en charge des situations de harcèlement entre jeunes. Il est inadmissible que toutes ces familles soient dans ce « flou », dans cette absence de « marche à suivre » et d’interlocuteurs directs ou de structures à contacter et surtout de solutions face à ce que subissent leurs enfants !

CE N’EST PAS NORMAL !

Non, ce n’est pas normal que toutes ces familles perdent autant de temps et d’énergie pour trouver comment aider leur enfant.

Non, ce n’est pas normal de laisser des citoyens face à ce manque d’informations, de repères, de solutions face à la souffrance de nos jeunes.

Non, ce n’est pas normal que cinq ans après le suicide de Tom et trois ans après le suicide de Maëlle, nous devions nous mobiliser sans relâche pour que des centres de prises en charge, tel que le CRIH, situé à La Louvière, puissent ouvrir dans chaque province. Le harcèlement n’a aucune frontière ni aucun « épicentre » ; il est partout, tout le temps, dans toutes les écoles qu’elle que soit leur localisation, leur niveau, leur réseau. Il peut toucher n’importe quelle famille ; nous en sommes la triste « preuve » ! Non cela n’arrive pas qu’aux autres ! Il faut mettre des moyens, il faut mettre de l’humain, il faut des personnes qui accompagnent, il faut des structures. L’heure n’est plus au constat mais bien à l’action.

Le volet « prise en charge » ne doit plus être un sujet sur lequel on se penchera quand on voudra s’en donner les moyens en repoussant à plus tard… mais on prend alors le risque encore une fois de repousser à « trop » TARD !

On ne peut plus laisser des parents démunis et angoissés, trop souvent désemparés, livrés à eux-mêmes face à un fléau qui peut être appréhendé.

On ne peut plus laisser des jeunes face à leur souffrance :  ils doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement, d’une réponse et d’une aide ciblée et spécifique. En matière de (cyber)harcèlement, le temps est assassin et en tant que maman endeuillée, je peux l’affirmer sans détour: l’inertie est CRIMINELLE !

Alors, à nos décideurs politiques, je leur pose LA question : « QUE FAISONS-NOUS ? ».

Je terminerai non pas par un cri de rage mais par un cri du cœur…

Nous sommes une « petite » asbl citoyenne, guidée par notre âme brisée de parents endeuillés ; nous essayons de répondre au mieux à toutes ces sollicitations car nous savons, mieux que quiconque, combien le silence est ravageur et combien protéger son enfant est ce qui préoccupe le plus un parent. Nous n’avons pas su protéger nos enfants de la cruauté de leurs pairs, si nous avions su, nous aurions pu… Aujourd’hui, nous vivons la valse des « si » et nous ne souhaitons à aucun parent de vivre avec tous ces « Si » qui vous rongent l’esprit et vous noient de regrets.

Pour Maëlle, pour Tom, pour tous ces petits héros du quotidien qui luttent pour rester debout… L’asbl Les Mots de Tom continuera sa mobilisation et son engagement pour que le ciel cesse d’accueillir d’autres étoiles. Chaque enfant en souffrance est insupportable. Chaque suicide est insupportable. Alors, je pose la question : « Est-ce normal que des enfants, des familles ne sachent pas, dans notre société actuelle, où trouver de l’aide et un accompagnement ciblé et rapide face à leur souffrance ? ».

Zara Chiarolini, présidente de l’Asbl Les Mots de Tom et maman d’une petite étoile, Maëlle.

Ajout personnel de David Plisnier, coordinateur du CRIH:

Notre société ignore, oublie et invisibilise la souffrance de milliers d’enfants, adolescents et parents chaque année.  Nos élus se bercent d’illusions en s’enfermant dans la croyance que des services généralistes tels que les écoles ou les PMS sont en capacité de prendre en charge les situations de harcèlement.  Ils ne le sont pas.  Même lorsqu’ils sont bienveillants et motivés, le temps et la spécialisation leur manquent.

Mon équipe a pris en charge 200 situations au cours des 18 derniers mois.  Je peux témoigner que chaque situation de harcèlement est unique et qu’il n’existe pas de méthode miracle.    

Certaines prises en charge durent 3 semaines, d’autres 6 mois.  Certains enfants se remettent en 3 jours, d’autres ont encore de séquelles après 3 mois.  Certains parents débordent de colère, d’autres sont envahis par le désespoir.

Pour accompagner ces familles, aider ces enfants, il faut pouvoir leur consacrer du temps, entre 10 et 20 heures de travail par dossier, plus encore pour les situations lourdes.  Il faut maîtriser de nombreuses méthodes d’intervention encore très méconnues, travailler en équipe pluridisciplinaire quand un cas se révèle plus ardu, inventer même parfois de nouvelles approches et appliquer des protocoles d’urgence lorsque cela est nécessaire.

Nombreux sont les vendeurs de rêve, politiques ou académiques, qui prétendent avoir des solutions magiques pour résoudre le problème.

IL N’Y EN A PAS.

La vraie question n’est pas de savoir si nous pouvons ou non faire cesser le harcèlement.  La vraie question est de savoir si nous allons laisser ces enfants et ces parents seuls avec leur souffrance.

Personne ne peut prétendre solutionner toutes les situations de harcèlement et certainement pas moi.  Mais nous pouvons donner aux victimes du soutien, de l’écoute et la meilleure aide possible.  Dans la majorité des cas, cette aide spécialisée permet de résoudre la situation.  Et même lorsque l’amélioration peine à se concrétiser, le soutien et l’accompagnement atténuent les souffrances.   

Souffrir est horrible.  Souffrir seul l’est plus encore.  C’est à cette souffrance solitaire que nous renvoyons les familles lorsque notre société ne se donne pas les moyens de les aider.

Revoir notre reportage "Marche contre le harcèlement scolaire : « Ce n’est pas une fatalité, il y a des solutions ! »

 


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